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Veiller, anticiper et s’organiser sont les maîtres-mots de cette technique de communication que bien d’hommes et de femmes politiques tunisiens mais aussi de ministres tunisiens ne semblent pas totalement maîtriser.

À l’ère des réseaux sociaux, l’information se répand comme une traînée de poudre et il est difficile de la contenir si l’on ne s’est pas suffisamment préparé pour la gérer en cas de crise.
C’est tout le rôle de la communication de crise: veiller, anticiper et s’organiser sont les maîtres-mots de cette technique de communication que bien d’hommes et de femmes politiques tunisiens mais aussi de ministres tunisiens ne semblent pas totalement maîtriser. Le naufrage d’une embarcation clandestine au large des îles Kerkennah, début juin 2018, en est un bon exemple. Voici quelques recommandations afin d’être prêt à toutes les éventualités.

  1. La communication est à double-sens, en particulier sur les réseaux sociaux

Cela peut faire peur, mais c’est inévitable: le public peut maintenant s’adresser à vous au même titre que vous vous adressez à lui et une communication descendante n’est pas toujours de son goût. Le public peut vous interpeller, vous critiquer, réclamer une réponse. Cela signifie que votre attention ne doit jamais faiblir et que la courtoisie doit être votre boussole: la moindre erreur peut être repérée et prendre de l’ampleur via les réseaux sociaux.

  1. Soyez à l’écoute

Considérez ces outils viraux comme une chance plutôt qu’une contrainte: à l’aide d’une veille conséquente, vous pourrez repérer les mécontentements (les signaux faibles) dès leur stade embryonnaire. Des outils de monitoring des conversations existent. Facebook, Twitter et Instagram sont les meilleurs outils pour mesurer votre popularité. Traitez les problèmes à la racine, en répondant avec sincérité et humilité aux plaintes, même les plus minimes.
Le must de la gestion de crise: Twitter! C’est sur cette plateforme que vos messages ont le plus de chance d’être lus rapidement et d’avoir un impact. Mais en Tunisie, c’est sur le réseau Facebook que les conversations avec le personnel politique se taillent la part de lion. Le community management de votre page Facebook doit obéir aux mêmes principes : écoute, modestie et courtoisie devraient être la règle d’or. Parfois une petite dose d’humour peut désamorcer une crise.

  1. Restez humains

Entre le discours institutionnel convenu et la multiplication des canaux de communication, votre voix peut vite être noyée. Rappelez à votre public que de vraies personnes se trouvent derrière vos publications. Adoptez une ligne de conduite sincère et personnelle. Ne vous cachez pas derrière un slogan, un logo ou une fonction.

  1. Anticipez les situations de crise et exercez-vous

Les crises ne préviennent jamais. Elles surviennent par surprise. Or si vous anticipez, vous parviendrez à mieux les contenir et à les gérer. Comment ? En mettant en place une organisation adaptée c’est-à-dire, pratiquer la communication préventive, constituer une cellule de crise, réfléchir et s’exercer à des scénarios de crise, prévoir un dispositif d’information pour les journalistes, les associations et le grand public ; désigner, former et entraîner des porte-paroles pour le jour J.

  1. Informez et rassurez en interne

La communication de crise ne s’adresse pas seulement aux publics externes, elle concerne aussi les publics internes. L’avantage ? Rassurer les collaborateurs, les militants, les partenaires …, et assurer la cohérence des messages. Le meilleur moyen de gérer une crise est d’avoir une équipe soudée et réactive. Assurez-vous que tout le monde est sur la même longueur d’ondes avant de vous exprimer, cela évite les messages contradictoires qui nuisent à votre image. Valorisez la transparence et la souplesse en interne, car ce sont les maîtres-mots en cas de crise.

  1. Prenez la parole dès les premières heures 

Surtout ne gardez pas le silence. Les premières heures sont cruciales. Réagir vite et répondre aux sollicitations des médias vous permet de maîtriser votre communication de crise et d’occuper le terrain. Si vous ne dites rien, d’autres le feront pour vous, vos opposants et détracteurs notamment, sur les média s et les réseaux sociaux.
Soyez les premiers à vous exprimer afin de contrer aussi les fake news. Attention, rapidité ne signifie pas précipitation : attendez d’être sûrs des éléments que vous avancez avant de les communiquer.

SOFIENNE HAMDAOUI VIA GETTY IMAGES
  1. Faites le déplacement dans la journée

Si la crise survient dans une autre ville ou une autre région, faites le déplacement dans la journée. N’attendez pas. Les journalistes, les associations et les proches de victimes n’hésiteront pas à vous le reprocher. Faites preuve de professionnalisme, emmenez avec vous votre photographe, votre caméraman et déclinez sereinement vos éléments de langage.
Certains médias ont reproché au Président du gouvernement Youssef Chahed son déplacement sur les îles Kerkenah 48h seulement après le naufrage de l’embarcation clandestine, (d’autres l’absence du Ministre de l’Intérieur, limogé depuis). Ce délai aurait pu être réduit si un plan de communication et de gestion de crise avait été mieux préparé.

  1. Soyez transparents et évitez tout déni

La transparence est une autre règle d’or de la communication de crise. Mentir mène droit à une catastrophe médiatique et nuit gravement à votre e-réputation. Au contraire reconnaître votre responsabilité et s’excuser auprès des proches des victimes ne peut que vous servir et donner une image positive de vous. Vous paraissez dès lors comme une personne empathique et humaine.

  1. Ne dites jamais “Aucun commentaire”

Lorsque l’on est pris par surprise, il peut sembler naturel de s’abstenir de parler tant que l’on n’a pas le contrôle de la situation. Or, aujourd’hui, ne pas commenter revient à laisser les autres s’emparer de l’affaire.
Si vous êtes effectivement dans l’incapacité de faire une déclaration sur le sujet, exprimez-vous avec sincérité. Sans vous démonter, jouez la transparence, en disant par exemple “Nous venons d’apprendre la nouvelle et nous sommes en train d’examiner les faits”. Cela ne vous engage pas sur le long terme tout en montrant que vous êtes actifs.

  1. Ne mettez pas forcément le dirigeant en avant

Avant de choisir qui devrait parler au nom de votre organisation ou institution, il faut prendre en compte plusieurs aspects. D’abord, qui est la personne la plus qualifiée pour parler du problème en cours ? Cette personne a-t-elle l’habitude de s’adresser aux médias ? A-t-elle suivi des séances de media training ?
De plus, mesurez l’ampleur et la gravité de la crise avant d’impliquer le dirigeant. Cette crise peut-elle se résoudre rapidement ? Gardez la parole du dirigeant comme le dernier atout dans votre manche, elle n’en aura que plus de poids.

  1. Aidez les journalistes à faire leur travail

Les demandes des journalistes peuvent sembler harassantes. Cependant, votre façon de leur répondre va beaucoup influer sur l’issue de la crise. Efforcez-vous de respecter les délais qui leur sont imposés. Cela assurera que votre parole est relayée avant celle de vos détracteurs. Parlez-leur en off : vous pourriez apprendre des choses insoupçonnées. Les journalistes ont souvent déjà une idée préconçue sur l’événement. Plus vous réagirez tôt, plus vous pourrez les faire changer d’avis, et raconter votre propre histoire.

  1. Présentez des excuses et soyez dans l’empathie

Ne pas reconnaître ses responsabilités dans un accident, un naufrage ou une catastrophe naturelle est la pire des situations. Reconnaître des manquements ou des dysfonctionnements dans votre département ou dans un département qui vous est rattaché est au contraire un gage de sérieux et de professionnalisme. S’excuser auprès des victimes et de leurs familles et faire le nécessaire pour les accompagner psychologiquement et matériellement est une marque d’empathie précieuse pour votre image.

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